Extrait : l’avant dernière-attaque !

Extrait de BrabanCIA, première vague ISBN : 9782960178111

Vendredi 27 septembre 1985, Braine-l’Alleud Brabant wallon Belgique

Bientôt, vingt heures vont sonner. L’attente commence à être longue et Willy constate que les gars sont chauds. Il observe la Golf GTI qui est garée à quelques mètres de là. Pour lui, c’est toujours facile de surveiller les « boys », car il sait où ils vont frapper. Normal, c’est lui qui désigne les cibles. « Le plus inquiétant des opérants c’est quand même Jimmy23 », pense-t-il. C’est l’avis de tout le monde. Et avec le temps, ça ne s’améliore pas. Ce n’est pas sa haute taille qui le rend inquiétant, c’est son regard. Cagoulé c’est encore pire.

La petite « Rabbit » est garée près du magasin Delhaize sur le parking d’une pizzeria. Willy peste dans le véhicule de livraison camouflé. Se garer devant un restaurant le premier soir du week-end n’est pas une bonne idée. En plus, c’est la fête de la Communauté française de Belgique aujourd’hui et certains métiers sont en congés. Les enseignants le sont, les   fonctionnaires aussi. Pour peu que certains d’entre eux soient mariés avec des poulets, et il y a des chances d’avoir la maréchaussée devant une bonne quatre fromages. « Ce sont des cons », se dit Willy. « La cible c’est le magasin, pas le restaurant ! ». Soudain la voiture se met en branle et se dirige vers l’enseigne au Lion. Les trois hommes sortent du véhicule, ils sont armés et déterminés. Le Géant se recouvre d’un passe-montagne alors que les deux autres ont opté pour des masques de carnaval à l’effigie d’hommes politiques d’outre-Quiévrain, des ténors pour faire plus sérieux. Les manteaux sont les mêmes que la dernière fois. Presque deux ans sans taper de la sorte en Belgique. Bien sûr, il y a eu le Honduras et les autres réjouissances sud-américaines, mais le matériel belge est resté dans la planque à Uccle, chez le gendarme Bobby.

D’abord prendre un otage, ensuite se protéger avec son aide forcée.   Willy, tel un commentateur sportif glose à demi-haut les actions faites et à faire. Pourtant les autres ne l’entendent pas. Même pas à la radio. Ils ne savent pas qu’il veille, et lui ne le sait pas non plus, mais il est surveillé aussi. Le couple de tueurs suisses est proche, prêt à liquider tout le monde s’il le faut. Un jeune homme est traîné par les cheveux par le Géant.

À l’entrée, le duo « preneur et otage » rencontre une connaissance du jeune homme. Les deux victimes se regardent. La décharge part, subite, d’une efficacité immédiate, et ne laissant aucune chance au plus âgé d’entre eux. L’homme s’affaisse. Le sang, immédiatement jailli. Il se nomme Roger. Avant de se prendre la décharge fulgurante du FAP – le fusil à pompe —, il a eu le temps et le courage de demander à l’agresseur cagoulé de relâcher le jeune homme. Il tombe et entend « ça t’apprendra à te mêler de ce qui ne te regarde pas ». Roger se touche la gorge, au sternum puis au ventre. Il ne sait pas où la balle est entrée. Ce qui est certain c’est qu’il a surtout mal au coccyx. Il est à près de deux mètres de l’endroit où il a été stoppé par la percussion de l’ogive. Un vol plané arrière. Il sent qu’il se meurt. La dernière image c’est la porte automatique qui se referme, une dernière fois.

Personne n’a encore bougé dans les allées de la grande surface. « Ce sont des pétards », se demandent certains ? Mais très vite, les clients comprennent. Trois hommes armés, le Géant hurle « je vais vous couper en deux ». Il sait que le FAP découpe les victimes quand la balle meurtrière Brenneke atteint les tissus, les chairs. Subitement, les ordres sont donnés, le directeur est pris à partie. Il est emmené violemment à la salle des coffres. Comme si le mobile était l’argent ! Certains se couchent quand le Géant demande aux caissières de remplir les sacs en papier recyclé de couleur brune à l’effigie rouge du Lion engoncé dans un carré ressemblant à la lettre D. Une jeune fille panique, Ghislain vient à son aide et tente de la rassurer. Cet élan de civisme va énerver, voire exciter Jimmy23 et lui donner l’envie de stopper la bonne action par une autre Brenneke. Puis encore une. Le sang se répand sur le carrelage jaunâtre de l’allée des conserves et huiles. Il ne fait pas bon aider ses semblables ! C’est ce que comprend le gérant du magasin qui minaude et joue l’imbécile. Cela le sauvera, semble-t-il.

Le butin est faible. Le coffre ne peut pas être ouvert par le directeur. Seuls les agents de la société de transport de fonds peuvent le faire. Et ils ne sont pas là. Quelques chèques repas, des pièces et des billets de petites coupures. Le trio ressort passablement gêné par les dépouilles opimes. L’argent n’est pas le mobile. Le Géant se déchaîne encore une fois sur le parking. Une camionnette rouge est la cible de la répression. L’enfant qui porte le même prénom que son père s’en sortira avec un poumon en moins, orphelin de surcroît. Mais il s’en sortira. Le déluge de balles ne leur a pas laissé de chances, aucune possibilité d’en réchapper. L’otage est relâché, mais le sang n’a pas assez coulé. Les hommes remontent dans la Golf et interjettent un typique « Houhah » de victoire. Ils sont encore chauds et foncent à vive allure vers Overijse. Willy leur emboîte les roues. À cette allure, il ne pourra pas les suivre, pourtant la petite allemande ne se dirige pas comme prévu vers la zone de repli. Où vont-ils ? se demande alors le Surveillant.   Ce n’est pas la première fois qu’ils déconnent ceux-là. Le débriefing sera sérieux ou ne sera pas, foi de Willy.

L’odeur de la poudre est encore perceptible dans l’entrée du magasin. Un médecin-urgentiste légèrement touché par un plomb dans la clavicule tente de sauver le héros du jour. Mais la blessure est plus que sérieuse et l’homme se vide de son sang. À côté de lui, prostrée, la jeune fille le regarde partir. La vie quitte celui qui a décidé de la rejoindre dans sa trouille pour l’atténuer. À quelques kilomètres de là, la Golf vient de passer devant un magasin Colruyt où elle ne s’arrête pas cette fois-ci ! Non, elle rejoint le Delhaize de la ville d’Overijse où le petit Stéphane joue avec son vélo sur le parking en attendant ses parents qui sont dans le magasin. Insouciant. Les roues du vélo tournent encore et encore, presque synchronisées avec les gyrophares qui illuminent la façade du magasin déjà attaqué. L’équipe n’a croisé aucune voiture de police ou d’intervention.

Stéphane ne sera pas pris en otage, pourtant il aurait fait un bouclier naturel et efficace. Il n’aura pas la vie sauve. À bout presque touchant, simplement parce qu’il avait crié d’effroi, il sera abattu par ce qui ne semble plus être un homme, mais une bête affamée de vie, assoiffée de la peur des autres. L’homme qui voit la scène en live s’appelle Léon. Il s’approche, porte la main droite à l’arrière de sa ceinture. Son arme n’est pas là. Ce banquier d’affaire qui joue parfois le rôle de lièvre ou d’informateur pour la Gendarmerie lors d’opérations narco dites « flash » dont le but est de piéger d’importants trafiquants de drogue, n’a – pour une fois – pas son pistolet 9mm Parabellum sur lui. Celui que l’on surnomme « le cow-boy » dans les couloirs de la prévôté tant il prend au sérieux son rôle d’aidant n’est pas préparé pour en découdre.

Est-ce le geste de saisie de l’arme hypothétique et absente qui met directement en alerte les tueurs ? Ou bien est-ce le fait que l’homme se dirige vers son véhicule pour saisir le radiotéléphone ? Toujours est-il qu’il s’avère être une menace et au moment où Willy arrive sur lieux, s’il ne voit pas le petit corps allongé près du vélo, constate qu’un homme vient de se prendre une volée de plombs. Le Géant s’approche de l’agonisant et le retourne d’un coup de pied asséné au niveau du thorax. Jimmy23 joue encore au Monsieur Loyal du barnum mortuaire.   On ne plaisante pas avec lui. D’ailleurs pour prouver encore une fois que le Géant a droit de vie ou de mort sur tous, il réarme le fusil et l’approche de la gorge de Léon. Le flux divergent de plombs part de la base du cou pour venir ravager le visage qui ne ressemble plus en rien à celui de l’affiche électorale seule vestige d’une brève carrière politique au sein du parti du Centre Politique des Indépendants et Cadres Chrétiens. Personne ne retiendra de lui qu’il avait averti un cadre de la Gendarmerie de l’imminence d’un coup d’État dont il aurait été en possession de nombreux détails comme le nom des personnes ayant fomenté la révolte et préparé les opérations. Non !

Définitivement, personne n’en parlera plus et ne fera non plus le rapprochement avec l’attentat commis contre ledit haut gradé de Gendarmerie dans lequel ils faillirent, lui et son épouse, perdre la vie lors d’un mitraillage en règle de la façade domiciliaire.

Léon n’est pas le seul à avoir un port d’arme parmi les victimes. Un officier de Gendarmerie est sur place lui aussi. Cet ancien membre de l’escadron d’intervention n’est pas armé lui non plus. Il ne tente rien. Il se terre. Les héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

À Overijse, on se déchaîne. Toujours sur le parking, les bandits tirent sur tout ceux qui ont la mauvaise idée de bouger. C’est à se demander si le fait de se figer peut stopper la mort. Non. Un jeune colleur d’affiches se fait descendre. Trois morts depuis l’arrivée, un coup de fusil toutes les 25 secondes. L’équipe, sans prendre la précaution de se munir d’un otage, entre dans la grande surface. Même scénario. Le Géant prend l’accès aux caisses, les autres foncent vers les bureaux nettoyant ça et là les allées et tout ce qui se trouve sur leur passage. Rosa met plus de temps que les autres caissières à satisfaire la demande du lâche ayant abattu le « gamin au vélo ».

Un otage est pris pour la forme. Juste pour la sortie. Il est relâché. Ils se replient laissant douilles, souillures, larmes et incompréhension. Trente minutes, deux magasins, des blessés et huit morts. La mayonnaise de la stratégie de la tension commence à prendre. Et l’équipe, d’y voir l’avènement d’un monde nouveau. Pour l’instant, Willy ne faisait que diriger l’équipe, la guider et la surveiller, mais lui aussi commençait à avoir envie d’action.

Il lui faut encore attendre quelques semaines pour tâter du FAP lui aussi et pour enfin montrer à Jimmy23 qui est le meilleur de la mouvance.

Fin de l’extrait.

 

 

 

 

 

 

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